GR400 - Le Tour des Monts Cantaliens - Partie 3
Vendredi 16/06, Le Falgoux – Le Fau, 20 km, 915 m D+
9h, départ du Falgoux vers Le Fau.
Joli soleil ciel presque bleu. Je quitte le gîte communal du Falgoux qui est en fait un bâtiment au sein du camping municipal, au sein duquel, j’ai disposé d’une chambre pour deux avec lavabo à l'intérieur, douche, WC et cuisine communes.
Peu de monde. 3-4 personnes dans le gîte et autant de tentes sur le terrain annexe.
Hormis l’épicerie, le petit village est riche de 2 restaurants qui se font face. Vue la faible affluence, la concurrence est rude.
En termes de vêtements, je suis toujours avec le même équipement depuis le départ : un T-shirt Mérinos manches longues, que je lave tous les soirs, comme les chaussettes et sous-vêtements, eux-aussi Mérinos et très confortables. J’ai un jeu de rechange dans le sac mais je le garde en réserve au cas où je n’ai pas la possibilité de faire une lessive ou faire sécher durant la nuit.
Sur la tête est vissé mon bob de rando mais ce soir, je changerai pour une casquette avec rabats de cou pour me protéger plus du soleil. Même si je m’enduis de crème solaire chaque matin, un petit ombrage est plus qu’appréciable.
Question boisson, je fais toujours le plein, à savoir ma pochette de 2 litres, dans un sac isotherme léger. Hier soir, j’ai mis au réfrigérateur du gîte une bouteille d’un litre de Schweppes Agrumes et versé, ce matin, le tout dans ladite pochette, complété d’eau et d’une pincée de sel pour limiter la déshydratation. De quoi me rafraichir en me faisant plaisir.
Le corps va bien. Il résiste mieux qu’à l’époque du TMB me semble-t-il. Il faut dire aussi que j’ai fait peu de temps auparavant les 100 km de Chantonnay, un entrainement idéal.
Hier soir, je me suis massé les cuisses, les jambes et les pieds de quelques gouttes d’huiles essentielles conseillées par un pharmacien avant mon départ. C’est particulièrement odorant mais aucune tension le matin. Top.
J’ai toutefois une petite douleur sous le talon gauche, dont je ne comprends pas trop l’origine. Au bout de quelques jours, j’émettrai de sérieux doutes sur les chaussures Merrell dont je suis équipé.
Elles se sont révélées être une catastrophe. Une marque si réputée... Mais j’en reparlerai.
Pour l’heure, la rando commence à nouveau par une belle grimpette pour rejoindre la première crête. C’est le prix quotidien à payer pour ne pas bivouaquer, là-haut sur les hauteurs.
Cela me permet toutefois d’apprécier de jolis chemins creux bordés de murets enmoussés. Cette abondance de mousse qui sublimise le cadre.
Je pénètre dans la forêt de Merlin. Enchanteresque. Des arbres qui ne savent pas quelle contorsion faire pour se faire remarquer par le rare visiteur. Parfois, leurs racines s’accrochent à la pente on ne sait trop comment. Ici, en contrebas, un énorme rocher creux et blanc semble abriter une grotte (Je quitte le sentier pour une pente abrupte afin d’examiner le minéral de plus près). Ailleurs, un semblant de petit canyon.
Je radote mais ce GR400 réserve des vues d’une beauté saisissante. J’avance à un rythme de sénateur, la tête tourne dans tous les sens. Je m’imprègne de ce que je vois.
Quelle autre activité que la marche permet de découvrir de tels environnements dans des lieux si difficile d’accès ?
Lapin moqueur
La pente devient extrêmement raide. J’en suis presque à mettre les mains au sol pour me stabiliser et progresser. Ou à tenir mes bâtons en position basse, ce que permettent ces Guidetti équipés d’un manchon long, afin d’accentuer la force de propulsion.
Je n’ai, encore une fois, rencontré personne depuis mon départ. Ce qui est appréciable mais invite à la prudence. Pas de prise de risques inutiles. En cas d’accident, je serai seul face à moi-même.
Avant-hier soir, j’entendais des randonneurs de rencontre reconnaitre avoir pris une trousse à pharmacie très minimale. Quelques pansements, c’est tout. Je suis bien mieux doté. J’ai même à disposition une genouillère et un aspi-venin. Au cas où.
Un petit vent frais arrive à me faire frissonner le dos. Cette petite fraîcheur permanente est appréciable, aussi agréable qu’une glace à la fraise chantilly.
Quelques rayons de soleil arrivent bientôt à transpercer la canopée.
Je marche, milieu de bouse fraîche occupée par des essaims de mouches. Le bruissement de leurs ailes est assourdissant.
L'endroit est bientôt parsemés de burons, en plus ou moins bon état. Ces petites maisons de pierres accueillaient hommes (les buronniers) et bêtes durant les périodes d’estives.
Entre mai et octobre, les troupeaux étaient mis en pâturage et le lait collecté, transformé sur place en fromage. Généralement l'habitat comprenait un grenier à foin, un abri pour les veaux, une chambre et une pièce servant à la fabrication du fromage.
Leur toit est souvent couvert de lauzes, des pierres plates de roche magmatique débitées en dalles plus ou moins grandes (jusqu'à 80 cm) et épaisses (2 à 4 cm). Le poids d'une toiture atteint en moyenne 20 tonnes.
La chose est solide.
Pause casse-croûte à proximité. Je franchis bientôt le Puy Violent.
Son nom proviendrait de la déformation de « puy bêlant » ou "suc d'en bioulant", souvenir de l'époque où les moutons remplaçaient les vaches en période de transhumance...
Sur la crête de ce puy Violent, je croise deux travailleurs saisonniers (vu leur accent) maniant la bêche, d’énormes sacs à leur proximité et une quantité importante empilée à proximité de leur estafette un peu plus loin. Ils récoltent la racine de Gentiane. Rapée dans l’alcool et additionnée de divers arômes, elle sert à élaborer des boissons alcoolisées auxquels elle confère de l’amertume telle que la Suze, l’Avèze ou la Gentiane.
Planche extraite d'une expo à l'OT de Mandailles
A ne pas confondre avec la Vérâtre, assez ressemblante et appétante mais surtout toxique au point d’être utilisée comme poison au Moyen-âge.
La faux de la mort rodant, je me rapproche du Fau, le village de ma fin… de journée.
Toute mignonne cette commune joliment fleurie et entretenue. 31 habitants à l’année. Une unique et courte rue pour y concentrer l’église, l’auberge, la mairie et les quelques habitations.
L’auberge est tenue par un jeune couple marqué de belgitude. Une volonté indiscutable de bien faire avec une attention toute particulière apportée aux repas. Une envie aussi d’animer la petite communauté par un Festi’soupe, une bonne excuse pour créer du lien social en période hivernale . Une compétition bon enfant durant laquelle les gens du pays viennent proposer, cuisiner, comparer et élire la meilleure soupe ! Sympa.
J’invite nos aubergistes à se mettre en relation avec l’équipe du gîte du Claux qui est dans une démarche similaire de redynamisation locale.
Je partage le repas du soir avec Patrice, chef d’entreprise bénévole dans une structure employant des personnes en situation de handicap ainsi qu’un couple de trentenaires, adepte de randonnées dans les coins les moins fréquentés. Leur dernier coup de cœur, la Géorgie et le Kazakhstan.
Samedi 17/06, Le Fau - Mandailles, 25 km, 1118 m D+
Sur ces monts cantaliens, on peut pratiquer de l’itinérant mais la configuration se prête aussi bien aussi aux circuits en étoile. A bon entendeur…
Je quitte Le Fau. Dommage, la boulangerie est fermée.
Je jette un œil à une source minérale que la commune aimerait aménager et mettre en exploitation. Le débit est faible, 0,2 litre par minute mais ici on aime prendre son temps.
Comme moi, débute cette journée ensoleillée par une belle ascension d’une heure sur chemin caillouteux pour rejoindre mon terrain de jeu. J’aborde les gorges de l’Aspre, rivière qui prend sa source du côté de salers avant d’aller offrir ses eaux à la Dordogne. Son cours a creusé une gorge sauvage sur le flanc du massif cantalien, jalonnée de ressauts et cascades, dont la plus pittoresque est la « Pissa del coin ».
Vers 1300 m d’altitude, je quitte la forêt et rentre dans une zone beaucoup plus abrupte faite de prairies et parsemée de résineux ici ou là.
La montée, au Roc d’Hozières se fait par une pente extrêmement raide. Le balisage est difficile à repérer et je dois m’aider de la trace GPS pour m’orienter au mieux. Le terrain est défoncé de toutes parts par le passage régulier de bovidés.
Je passe d’un trou boueux à l’autre, au milieu des gentianes. Attention les chevilles. Je tiens les bâtons à mi-hauteur pour m’aider à avancer dans un sentier étroit et jalonné de marches naturelles qui font parfois plus de 50 cm.
Cette montée n'est pas à sous-estimer.
Et le soleil commence à taper fort. Il est 11 heures.
Le rythme cardiaque augmente et je stoppe régulièrement pour souffler et m’hydrater.
1574 m. Je suis arrivé au sommet d’une crête à côté du fameux roc.
Je domine un vaste panorama à 360° sur les vallées glacières qui rayonnent en étoile autour du puy Mary, bien planté devant moi, au loin. Ce n’est que le 5ème plus haut sommet du Massif Cantalien mais le plus fréquenté semble-t-il.
La route qui mène au restaurant déjà mentionné n’est qu’une longue file de voitures stationnées. Nous sommes samedi, jour d’affluence. Le vrombissement des Harley-Davidson monte de la vallée et me rattrape. J’évalue le périple déjà parcouru et cela m’impressionne.
Il est midi quand soudain je fais ma première rencontre de la journée. Une, deux, dix, vingt coureurs surgissent devant moi. Ce sont des participants de l’ultra-trail UTPMA, du Puy Mary d’Aurillac. 105 km, 5'800 m D+, 900 participants partis la veille à minuit.
Ce ne sont pas les premiers qui défilent. Renseignements pris, ceux-là sont passés il y a plus de 3 heures.
Chez certains, la fatigue est évidente. Je longe le même chemin qu’eux, avec toujours un œil derrière moi pour céder le passage au besoin. Malgré mon sac à dos, je marche quasi aussi vite que certains concurrents. Pas sûr que cela soit fait pour les encourager mais il faut bien que j’avance aussi.
12h30, j’atteins les 1739m du puy Chavaroche, ou « roche creuse ». Il abrite un cairn impressionnant où l'on dépose une pierre pour laisser une trace de son passage. Il est surnommé « Montagne à chèvre » en raison de la proximité phonétique des mots chava et chabra, chèvre en patois.
Ce point culminant de la journée est un spot pique-nique topissime. Je m’installe sur le côté ombragé du cairn et, comme à mon habitude, je me déchausse et met à l’aise. Je vais profiter du contenu de la boîte repas remise par le gîte ce matin. Une bonne salade à base de pâtes.
Et je profite du spectacle, aux premières loges.
Les coureurs défilent à 1 mètre devant moi.
Je n’ose pas trop encourager. Je me fais discret, la bouche pleine. Parfois, on me lance un « bon appétit », parfois un regard surpris voire hagard. Quelques fois, j’entends une forme de beuglements de celui qui crache ses dernières forces dans l’épreuve. On sent la souffrance.
Rares sont ceux qui jettent un œil au paysage grandiose proposé par ce sommet. Les yeux sont rivés sur la pointe de leurs chaussures.
Pourtant là-haut, un parapente s’approche du sommet. Assis dans sa sellette, le pilote est à quelques dizaines de mètres. Je lui fais coucou - le hibou.
Le reste de la journée ne sera plus que descente sur un terrain des plus rocailleux. Les pierres roulent sous les pieds.
La chaleur est harassante. Le corps souffre. Dès qu’un endroit un peu ombragé se présente, j’en profite pour capter un peu de fraicheur. Le fond de l’air me caresse et me rebooste.
Alors que nos chemins, entre ultra-trailers et moi, s’étaient séparés au moment de leur descente vers Mandailles, je les retrouve quelques kilomètres plus loin quand ils remontent de la cité. Quelle épreuve !
Pour moi, la balade réserve des vues grandioses.
Je languis d’atteindre une zone forestière. J’économise ma réserve d’eau. J’ai peur d’en manquer. J’aurais dû prendre un troisième litre. Je passe bien devant un ravitaillement de l’UTPMA, mais je n’ose pas quémander un peu d’eau d’autant que les jerricans sont posés sur une table, en plein soleil…
Certains passages se révèlent bien pentus.
Je longe un joli buron.
Puis un troupeau de Salers me bloque le chemin. Pas question de me laisse faire cette fois-ci car je n’ai pas le choix. Les versants de part et d’autre sont quasiment inaccessibles. C’est donc elles ou moi.
Je sors ma grosse voix de charretier et pointe mes bâtons de marche vers le ciel. Histoire de jouer au paysan local à qui on ne la fait pas.
Un peu interloquées, les bêtes me regardent d’un mauvais œil. « Du lard ou du cochon ? Mais il nous ferait bientôt peur ce bipède. Et puis, il insiste. Et il avance. J’ai les cornes aiguisées mais lui à un bâton pointu. Ouille les fesses s’il me touche. Allez les filles, on dégage ! ».
Et voilà comment on passe !
A l’approche de Mandailles Saint-Julien, voici enfin le gîte que Marie-Hélène m’avait demandé de repérer. Elle et Patrick l’ont occupé un temps, lors d’un périple dans cette jolie vallée de la Jordanne. Une plaque figure à côté de la porte (non pas en souvenir de leur passage mais indiquant les coordonnées du propriétaire).
Il est 18h et j’arrive à Mandailles. Un bien joli village niché dans cette vallée. De pittoresques maisons groupées autour d’une église à clocher octogonal. Nos coureurs y sont passés, certains sont installés à la terrasse de l’hôtel local. Allez, une petite bière (devinez laquelle), je l’ai méritée.
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